Goris, gaz et pétrole

Goris est une petite, vraiment petite ville, de province située dans un creux à 1300 m d’altitude et 230 km d’Erevan, vers le sud et l’Iran.  C’est là-haut que niche haut perché sur un rocher le monastère de Tatev, celui qu’il voir,  alors j’y vais. Et pour y arriver ce n’est pas compliqué : pas de train, pas de bus, les arméniens voyagent peu, pourquoi ? J’ai mon hypothèse sur le sujet, le pays n’est pas très peuplé et sa structure économique héritée des soviétiques ne force pas ses habitants à s’exiler vers des lieux de concentrations d’emplois. En métro je rejoins le point de rendez-vous des taxis collectifs, les « bla-bla car locaux ».

Station de taxi à Goris

Les prix sont bas et fixe selon le parcours, en environ 5 centimes d’euro le Km. Cette économie s’explique par l’utilisation de Mercedes âgées de plus de vingt ans, voir plus. Les moteurs combinent gaz et essence comme carburant. La Russie fournit le gaz à bas coût, l’Iran le pétrole plus cher. J’ai fait le calcul, rouler au gaz coûte 5 fois moins cher qu’au pétrole, le prix d’un seul passager suffit à rembourser le gaz consommé, le reste se répartit  sur le salaire du chauffeur et les frais d’entretien de la voiture réduit au minimum si l’on constate l’état général de ces taxis, et je peux prétendre à une certaine compétence en matière automobile. La Mercedes démarrera dès que le quota des quatre passagers sera atteint. Cette fois à partir du troisième le chauffeur s’agite et nous demande d’embarquer, curieux. Au moment de m’installer en 1^er classe, à l’avant à coté du chauffeur, je pensais qu’elle me revenait de droit, j’étais le premier, le chauffeur s’affole et me fait comprendre NIET avec ses grands gestes que je trouve déplacés pour une si petite affaire. Il semble d’autant plus inquiet qu’il ne comprend rien à mes propos. C’est certain, il ne doit pas souvent embarquer des étrangers qui ne parlent pas russes. Il me paraissait sympathique, lorsqu’il comprit que j’étais Français, il a répondu Louis de Funès et Dominique Strauss Kahn. L’homme possède une certaine culture de notre pays. Une fois dans un restaurant une serveuse  m’a cité,  Alexandre Dumas Guy de Maupassant et Balzac. Puis j’ai compris qu’il répétait le mot « chef » en désignant le siège 1er, ce pauvre chauffeur devait prendre chez lui son boss et l’amener à Goris, l’avant c’est pour le boss. Ce type a vite pris les affaires en main une fois installé  nous faisant comprendre qu’il serait le secrétaire général du voyage. Il n’a pas arrêté d’élever la voie envers le conducteur se recroquevillant davantage derrière son volant. Il exigea des arrêts devant les paysans vendant leurs fruits au bord de la route, de longues minutes de négociation pour un kilo de cerises et d’abricot, cerise sur le gâteau. Sans être exceptionnelle la route n’est pas ennuyeuse, des parties montagneuses succèdent à des plateaux vallonnés colorés selon la végétation, la teinte jaune  domine.

     

Nous croisons ou doublons des camions citerne iranien, Un tuyau de gaz serpentent  le long des 230 km d’asphalte, gaz et pétrole font la route. Dans les montées notre Mercedes tente des dépassements délicats, le gaz diminue les performances du moteur déjà bien usé par des centaines de milliers de kilomètres sur les chemins du Caucase. Le chauffeur nerveusement s’accroche au volant, klaxonne, agite le bras à l’extérieur, il faut se rabattre sinon c’est l’accident. Ces manœuvres hasardeuses déclenchent des hostilités entre les le passager de 1^er classe et le pilote. Je comprends que dalle à ces disputes mais je pense qu’il s’agit plus d’un jeu entre eux. Il nous arrive aussi de doubler les seigneurs de la route : les vélos. Ils font route vers l’Iran, ce ne sera sans doute qu’une étape car rien ne les arrêtes ceux-là, ni les montées, ni le soleil, admiration.

Nous arrivons à Goris et déposons en premier monsieur le secrétaire général chez lui, une maison comme toutes les autres à part la Mercedes 500 noir dans le garage qui atteste de la qualité de ce haut personnage local. Il m’a tenu sa main et nous avons serré l’amitié Franco-arménienne de Balzac à Louis de Funès.   

 Un seul hôtel très confortable, 15 € la nuit avec le petit déjeuner servi dans un agréable jardin, le luxe. Description de Gorsi ? Une grande place avec une fontaine au milieu ou se rafraichissent des enfants, je suis repéré, le plus courageux remonte son maillot de bain d’un geste virile et vient me saluer en russe. Un peu penaud je lui tends la main, « Russe niet, english », Il est déçu, son audace tombe à l’eau devant ses copains de jeux.  Tous les deux au milieu de ce rond de béton bordé de voitures carrées des années 80 nous  ressemblons à des personnages burlesques dans une scène d’un film de Jacques Tati.

Aucun intérêt touristique de rester ici trois jours à Goris une demi-journée suffit à la visite du monastère. Un beau monastère certes,  mais c’est surtout le téléphérique qui m’a plut. Il serait le plus long téléphérique à va et vient du monde avec ses 5700 mètres de long, 230 m au dessus de la rivière, c’est wilkipédia qui le dit, je n’ai pas mesuré. Il est Italien. En hiver avec la neige cela doit ressembler à l’Autriche, c’est peut-être pour ceci qu’il existe un parc Vienne à Goris  

Les monastères et les églises à coupole OK,  mais cela ne fait pas mon voyage. Goris s’étale au fond d’une vallée coupée par un gros ruisseau, le versant Est,  plus abrupt, a sur son flanc une petite église différente de forme carrée qui se confond avec les rochers pointant leur flèche vers le ciel.  J’y parviens enfin après plusieurs erreurs de chemin qui m’ont fait découvrir au passage un cimetière et un joli transformateur électrique  des années 50 selon mon estimation, pourquoi n’aurait-il pas droit lui aussi à une photo.

Une petite visite de l'album Goris Arménie est conseillée.