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Le Blog d'images54620
14 février 2024

Antofagasta et Valparaiso, deux fantômes.

 

L’Amérique est dite latine à cause des langues utilisées qui dérivent du latin. Le Québec n’entre pas dans la définition malgré son français. Et on ne va pas se fâcher une nouvelle fois avec le Canada à cause de ceci. Plus que latine cette Amérique est surtout catholique, cela se compte aux nombreux signes religieux. Églises et cathédrale protègent la paroisse sur les place.

Au bord des routes des croix alertent que des vies se perdent rapidement. Ces « totems » chrétiens sont plus nombreux que les panneaux de circulation. Des lieux de pèlerinage où un événement marqua les esprits, presque un miracle, regroupent des croyants qui remercient l’âme bienveillante qui entendit leur prière pour une guérison ou combler un grand désespoir. C’est drôle, moi qui ne suis pas croyant je croise souvent ces fantômes qui me font un clin d’œil, histoire de se moquer de moi peut-être. Ainsi je vais vous conter mes deux rencontres dans ce passage au Chili.

 DSC02315  DSC02344

Aristo Montt, l’ouvrier martyr.

 Dans le micro bus qui m’amenait du terminal de bus au centre ville Antofagasta j’ai entrevu rapidement un mur tapissés de plaques religieuses, les passagers du bus ont fait le signe de croix et quelques dévots agenouillés priaient sur le trottoir.

Je note dans calepin : avenida Valdivia.

N’ayant pas grand-chose de prévu ici j’y suis retourné le lendemain dans l’intention de m’instruire sur ce totem. Pas difficile, même trajet dans l’autre sens.

 Des centaines d’ex-voto noircis par la fumée recouvrent le mur sur une vingtaine de mètres. Jésus Christ et Al Capone sur une fresque contemporaine se côtoient à quelques pas l’un de l’autre. Je me souviens de mon catéchisme, le seigneur a été crucifié avec deux larrons à ses cotés. Certainement une coïncidence de mon imaginaire.

DSC02290   Ce n'est pas de la glace

 La cire des milliers de bougies consumées depuis des années s’est répandu sur le trottoir en scellant des figurines religieuses. Cela me rappelle les sols gelés en hiver dans ma Lorraine natale, ici il fait 30°. Un nom revient Avaristo Montt, le destinataire des remerciements. Je ne suis pas du tout religieux mais allez savoir pourquoi les ex-voto m’intéressent. Cela pose question ces croyants qui remercient leur idole d’un vœu qui fût exaucé

J’interroge un passant :

« es una animita » Je ne comprends pas ce mot, je le note, google m’expliquera ce soir.

L’homme me montre à proximité une ancienne gare avec quelques trains en fin de vie. Mon compagnon continue son récit :

Il y a longtemps ( en juillet 1924 ) un jeune employé de la compagnie des chemins de Fer est mort ici à cause de l’explosion de la chaudière du train qui se préparait à sortir de la gare. Donc pression maximum. Son corps carbonisé et déchiqueté fut propulsé jusqu’ici, une bonne centaine de mètres, à l’époque un fossé. Il fût considéré comme un martyr et l’endroit est devenu un lieu de dévotion : animita en espagnol chilien.

 La gare de l'accident     Animita de Evaristo Montt

Il y eu trois autres victimes, mais uniquement Evaristo Montt devint un martyr. A cause de son âge, dans la vingtaine, il était marié avec des enfants. C’est le choc des photos publiées dans la presse qui l’ont sanctifié aux yeux de la population. Ce n’est pas nouveau la presse qui racole avec des images fortes. C’était identique en France, les images d’accidents donnaient dans le genre gore. Au cimetière situé juste au dessus de l’ancienne gare de l’accident un caveau des employés du chemin de fer est visible. Notre martyr ne repose pas ici.

 DSC02286   DSC02296

 

Émile Dubois, l’assassin sanctifié par les pauvres.

cimetière playa ancha  palya ancha

 A Valparaiso, ce n’est pas une étape mais un choix, cette ville me convient mieux que Santiago. D’abord ce fût un grand port de passage, sa géographie est spectaculaire et l’histoire de la ville se lit sur les murs. Je ne parle pas de d’architecture, l’ancien quartier coloniale est devenu une cour des miracles. Des cabanes en équilibre se serrent les unes comme les autres. On se faufile dans un imbroglio d’escaliers cagneux, de passages étroits et de rues sans issue. Il se peut qu’un chien vous fasse clairement comprendre de rebrousser chemin. Au milieu des milliers de graffitis entremêlés je remarque une affiche : Émile Dubois, maire de Valparaiso.

 Affiche Emile Dubois    Affiche Emile Dubois

L’étymologie de ce patronyme sonne bien français à mes yeux.

Le personnage est né dans le pas de calais, 1867. Il travailla un moment à la mine de Courrières. Émile n’est pas fait pour ce travail pénible et dangereux.

Il descends en Espagne et pratique le métier de comédien à Barcelone. Puis le voici de l’autre coté, en Colombie ou il charme une jeune fille. En Équateur et Colombie il joue, pour de vrai, le révolutionnaire. Il franchit le pas vers l’anarchie. En France la bande à Bonnot fait la une des journaux. On concrétise « la propriétés c’est du vol » en assassinant les riches pour leur magot. Il assassine son premier Bourgeois à Santiago, Ernesto Lafontaine un comptable à son domicile rue Huerfanos, c’est drôle c’est dans cette rue que j’ai transformé mes euros en pesos chilien.

A Valparaiso avec son origine française il se mélange facilement à cette haute classe européen qui profite du boom économique. Il trucide trois autres candidats.

Il est arrêté en juin 1906 lors d’un cambriolage.

 

DSC01848     DSC02786

Sa légende commence.

En août la prison de Valparaiso est à ciel ouvert après un tremblement de terre. Les prisonniers survivants se sont fait la belle, pas lui.

Seuls les coupables s’échappent, je ne suis coupable de rien, s’exclame t-il.

Entre temps trois malfaiteurs ont été arrêtes à Santiago pour le crime de Lafontaine, ils ont avoués sous la torture. Le juge les relaxe.

 Animita Emile Dubois   cimetière playa ancha

Le doute s’installe dans la tête des gens qui commence à regarder Émile comme un robin des bois moderne. Pendant son procès il chasse son avocat qui plaide la folie. Le soir du dernier plaidoyer ce peuple qui le soutient organise une élection sur la place devant le tribunal.

Le juge lui demande ce qu’il en pense, il répond «Vox populi, Vox Dei »

Bien trouvé. La légende grossit jusqu’à son exécution le 2 mars 1907.

Il la termine magistralement, un bon épisode de télé réalité. La veille un journal argentin organise son interview. Il passe sa dernière journée en compagnie de sa maîtresse qu’il épouse.

 

Emile Dubois animita   Prison reconstruite en 1907

Le matin fatal il repousse poliment le curé et refuse le bandeau sur les yeux. Il proclame devant son public : Je suis un homme d’honneur j’accepte mon destin en gentlemen.

Il proclame son innocence et ordonne lui même son exécution.

Son corps fut enseveli dans la fosse commune du cimetière 3 playa Ancha.

Un coin du cimetière se convertit en « animita ».

Certains le considèrent comme un tueur en série, d’autres pour un martyr.

Son vrai nom était Louis Amadeus Briefer La croix. Si vous êtes de la famille…… venez à Valparaiso c’est presque un saint. On le retrouve même sur un mural street art et un spectacle de théâtre.

Petite coïncidence, s’il était resté mineur à Courrières peut-être aurait-il été dans le lot des 1099 mineurs tués par un coup de grisou en mars 1906, un an avant son exécution. Le destin, allez savoir.

 

 

Emile Dubois poignarde une victime, mural histoire de Valparaiso   Nouveau spectacle Emile Dubois

 

 

 

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