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21 avril 2015

Capitaine Jack, Portobelo

Situé au bord de la Caraïbe Portobelo l’ancien port de la couronne d’Espagne n’est plus aujourd’hui qu’un village classé au patrimoine de l’Unesco grâce à son architecture militaire, ce qui se faisait de mieux en matière de défense maritime au XVII. Cette ingéniosité ne lui a pas assuré une protection sans faille, en 1668 le pirate Morgan s’introduit dans la ville et exigea une rançon pour épargner les habitants, les traditions durent longtemps le kidnapping est encore utilisé en Amérique centrale. Colomb découvrit cette baie et en fît un bon mouillage qu’il baptisa en italien «beau port », car c’était un génois.  Rapidement, l’endroit devient stratégique pour l’Espagne, le butin du pillage des Amériques transitait en grande partie par Portebelo avant de remplir les coffres de l’Espagne. A condition d’arriver  à bon port de l’autre coté, ces coffres-forts à voiles devaient d’abord traverser les mers et beaucoup d’ennemis convoitaient ces richesses. Traverser les Caraïbes à cette époque pour un navire de commerce n’avait rien d’une croisière d’aujourd’hui. « Il y a trois sortes d’hommes, les vivants, les morts et ceux qui vont sur la mer, (Aristote) ils étaient nombreux  à vivre sur l’eau Pirates, corsaires, boucaniers ou flibustiers peu importe leur dénomination, tous ces gaillards cachés parmi les nombreuses îles laissaient peu de chance à leurs proies.   

 

portobelo (3)

 

« Voiles à l’horizon », la poursuite commençait, « hissez le pavillon noir », ce sms envoyé à la cible leur demandait de se rendre, l’équipage serait alors épargnés, sans réponse deuxième texto le pavillon rouge  signifiait « pas de quartier », l’abordage sera sans pitié. Quel petit garçon n’a pas  rêvé devant un pavillon à tête de mort, au carnaval il y a toujours un pirate. On a oublié leur cruauté pour ne retenir que leur idéal de liberté sur les mers. La plupart ont fini dans les océans ou a bout d’une corde. Relisez le passage du secret de la licorne ou le capitaine Haddock découvre le journal de bord de son aïeul en lutte avec Rackman le rouge. Ces butins finissaient, soit dépensés dans les tavernes ne posant pas de questions sur la provenance de cet or, du blanchiment d’argent en quelque sorte, soit au fond de l’eau si le coffre-fort se sabordait pour ne  pas tomber en de mauvaises mains. Pour les années d’infortune les pirates dissimulaient leur fortune dans des cachettes connues d’eux seuls et prenaient la précaution de mettre une croix sur une carte codée. Tout est expliqué dans le secret de la licorne, un vaisseau amiral de la bande dessinée cet album d’Hergé.  Ce n’est pas facile de se débarrasser des mauvaises habitudes, maintenant ce ne sont plus des tavernes qui blanchissent l’argent mais des banques, et  plus besoin d’enterrer ses devises pour les cacher, des paradis fiscaux aux caraïbes les dissimuleront à votre place.  

 

Portobelo,  j’y suis venu non pas chercher un trésor et encore moins y cacher mes devises mais pour ne pas rester à Colon ou le niveau de sécurité hisse le pavillon rouge à tête de mort. C’est vrai le lieu est joli, il ne reste pas grand-chose des fortifications, quelques murs et un seul bâtiment debout. Une petite église marque le milieu géographique du village mais le centre d’animation est décentré d’une dizaine de mètres devant la guérite servant de terminal de bus.  Un seul hôtel dans mon budget, le capitaine Jack, au bout de la montée tout en haut juste avant la jungle. Les employés jouent aux pirates, ils sont tatoués et portent un bandeau dans les cheveux, l’anglais est plus utilisé  que l’espagnol. Les murs sont en bois, les couchettes des dortoirs sont entassés en bas dans les calles, au pont supérieur, le bar-restaurant offre une vue plongeante sur le village, si une voile passe à l’horizon elle n’échappera pas aux regards.  Bienvenue à bord du capitaine Jack.    

portobelo (12)

portobelo (13)

Au village, trois tavernes servent des poissons frits jusqu’à 18h, deux épiceries tenues par des chinois vendent le nécessaire, eau,  biscuits et dentifrices, on peut vivre facilement à Portebelo. Dans les rues une population de chiens errants se disputent les détritus comestibles avec de gros rapaces noirs,  mauvais genre ces oiseaux.  Je ne m’attendais pas à autre de chose, si ce fût un grand port l’histoire est passée par là et a fait son travail. Les routes maritimes commerciales du XXe siècle ne passent plus par Portobelo, le canal a tout pris. Néanmoins cette baie sert encore de refuge à des nomades sur mers, parmi eux peut-être quelques contrebandiers avec la Colombie proche qui blanchit de la poudre. Ce sont essentiellement des skippers qui cherchent à renflouer leurs tirelires en transportant des passagers vers les îles San Blas où la Colombie, 500 US pour une traversée de quelques jours, sacs de vomi fournis. Seul taverne ouverte le soir le capitaine Jack recueille les routards échoués à Portobelo. Sur le pont supérieur les langues se mélangent, anglais, espagnol, français il ne manque que l’hollandais et nous aurions un échantillon des langues parlées dans les ports au XVII siècle. Une grande table est vide, aux yeux de tous,  moi j’y vois des fantômes, Hemingway est en face de Jack London, ils boivent du bourbon et commentent les vols de pélicans, à coté le capitaine haddock agité versent du whisky à Francis Drake élégamment habillé. Debout, appuyé d’une main à la balustrade, chancelant sur sa jambe de bois, le baleinier Achab tient sa lorgnette enfoncé dans l’œil, il cherche le souffle de Moby-Dick. Si une magie vaudou pouvait m’envoyer à cette table, c’est Francis Drake que je ferais parler avec l’aide du rhum. Lors d’une bagarre avec les espagnols à Portobelo, en 1596, les artilleurs du fort San Felipe del Morro tirent un boulet à travers la cabine du vaisseau amiral, Drake est indemne mais il meurt quelques semaines après de la fièvre jaune.  La légende raconte que ses hommes ont envoyé sa dépouille par le fond, ici,   dans un cercueil en plomb, sans marquer une croix sur la carte.

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