Pierrepont, la petite maison dans la prairie.

 Tous les chemins mènent à Rome disait souvent ma mère je ne sais d’ailleurs plus trop pourquoi. Avec un peu de malice elle y mélangeait un peu de religion, tous les chemins conduisent vers Dieu, et du bons sens pour se rendre à un endroit il a toujours un chemin.

Et cet endroit dans la famille était souvent Pierrepont 54620, le village d’une souche familiale. Je n’ai besoin ni de carte ni de GPS, du bon dieu non plus pour trouver l’église (fermée) de Pierrepont. Les chemins ne sont pas nombreux, la D643 et la D125. La gare de Longuyon est la plus proche. Pas de voie fluviale sur la rivière Crusnes.

Il y a d’autres Pierrepont, plusieurs en France et un chez nos « cousins » américain, « Town Pierrepont » dans l’état de new York : Le code postal US ressemble aux nôtres, ici c’est 13617. Ce Pierrepont provient du nom d’un marchand aventurier et un peu paysan. Au début 19eme il investit dans des terres agricoles du comté de St Laurent, ( St. Lawrence County,) le plus grand de l’état de New York. Cet homme d’affaires rusé résidait à Brooklyn. En diligence il ne devait pas souvent parcourir les 600 Km de chemins qui menait à son Pierrepont. Une rue porte son nom à Brooklyn.

    

C’était après la perte du canada français, beaucoup d’entre eux franchirent la frontière et s’installèrent au sud du St Laurent préférant la nouvelle nation américaine à la vieille Angleterre.

On peut encore lire aujourd’hui des orthographes à la françaises méconnaissable à l’oreille en version américaine. Beaucoup de patronymes français furent anglicisés avec le temps. Curieusement la branche de la famille Pierrepont en question fit la démarche inverse en reprenant une écriture française.

         

N’encombrant pas ce récit avec la romance historique. Si vraiment vous avez envie d’en savoir plus faites moi signe nous en discuterons à la terrasse du dernier bistrot en sursis à Pierrepont 54620, chez Isabel. A Pierrepont 13617 ? Il y a ni bar ni commerce.

Deux ou trois chemins mènent à Pierrepont 13617, principalement la route 56 et 68. Depuis Pierrepont vous devrait choisir avant entre Montréal ou New York, les aéroports à proximité connecté directement à Paris. Montréal 350 km, New York 600.

Une gare ? Je ne l’ai pas trouvé.

En canoë peut-être ? En raftant sur la rivière Raquette.

 Sur la route, soyez prudent et respectez les 45 miles, les animaux sauvages ne le sont pas et traversent n’importe comment. Nous avons vu deux cadavres de biches et autant de putois écrasés que d’hérissons sur les chemins menant au 54620.

     

 A chacune de mes visites, 3 en 10 ans, je suis très bien reçu, vous pensez le français de France né à Pierrepont 54620. J’en suis un peu embarrassé, à leurs yeux je représente la grande histoire de France alors qu’eux n’existent que depuis deux petits siècles. Avec ses 1000 ans d'histoire Pierrepont 54620 n'a pas son musée. 

Pas de complexe, au moins ils ne fabulent pas dans des contes remplis de chevaliers du moyen-âges défendant ardûment race et culture à coup d’épée et de baïonnette. Les européens mettent toujours en avant les bagarres. Ici c’est un peu différents malgré l’image que nous avons type US air force. Les héros sont les fondateurs.

 Barbara Bryant, mon contact, a pris conscience qu’après 200 ans le passé se dissipe doucement mais sûrement. Les anciennes familles fondatrices ont pris d’autre chemin. Est-ce que les temps modernes seraient moins favorable au mode de vie modèle « la petite maison dans la prairie » ? C’est amusant à la TV mais la vie rurale n’est pas adaptée à tous les profils. Le clivage urbain ruraux semble plus prononcé ici à cause des distances. Beaucoup de Pierrepontais 13617 ne sont jamais descendu à New York.

   

      Barbara 83 ans est encore très active, elle s’occupa de la restauration de l’église, du musée de Pierrepont où des piles de documents et un bric à brac d’artefacts encombrent la petite pièce en attente d’une classification et d’un rangement. Depuis 2017 une annexe, petite cabane de style « petite maison dans la prairie » complète le muséum. Au moment de notre passage un renard a détalé à toute berzingue. Dans l’hiver vigoureux les ours rôdent.

En ce moment Barbara s’acharne sur les cinq cimetières du territoire administrative de la « commune ».

Pourquoi 5 ? Pas de moyen-âge, la terre était vierge ou presque, alors pas d’église et son cimetière au milieu du village. Chacun ici battit à coup de hache sa « petite maison dans la prairie ». Alors on enterra les morts au plus prés. L’église, en bois, vint après. Et s’il faut la déplacer pour pointer un fictif centre du village à coté d’une autre cabane en bois qui servira de mairie ce n’est pas un problème. Ne cherchez pas de la moquerie dans mon vocabulaire « cabane en bois, » voyez-y plutôt de l’authenticité et de la simplicité. Dans ce comté pas nous ne sommes dans les opulentes maison de Brooklyn ou des gros planteurs du sud. Les maisons en dur sont rares.

    

Nous avons visité ensemble ces cinq cimetières. Je ne peux m’interdire de cette similitude entre 54620 et 13617. A l’échelle de l’histoire les deux Pierrepont ont simultanément restauré leurs chapelles et maintenant s’occupent des cimetières. C’est flippant. Si c’était moi le lien ? Comme un électron libre quantique d’univers parallèle. Non ce n’est pas possible.

Un gros boulot que Barbara s’impose. Ce fût très enrichissant pour un français de France et je rajoute France catholique pour 54620. La majorité 13617 est protestante, plus sobre les protestants se suffissent d’une simple pierre. Les catholiques rajoutent des fioritures.

     

Mon logeur Daniel exploite une ferme laitière bio avec sa son fils, il s’occupe du comité agricole du comté, est élu au conseil municipal. Sa famille fait partie des premiers exploitants. Il a entassé dans une grange au milieu de sa forêt d’érable le matériel agricole de plusieurs générations. Entre paysans 54620 et 13617 on ne parle pas de similitude mais de ressemblance. De braves gens imprégnés de l’utilité d’un des premiers métiers du monde.

Par solidarité Daniel s’inquiète des mauvaises nouvelles de France, sécheresse incendie.

La traite des vaches le matin, le soir, la table encombrée de paperasse administrative, le matériel qu’il faut sans cesse réparer, ce n’est pas facile de vivre « la petite maison dans la prairie ».

Et si j’étais né au bord de la rivière Raquette ?