Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le Blog d'images54620
22 janvier 2021

Toujours pas mon usine, mais je la préfère comme ça.

Chaque image est une porte vers la galerie d'Art ou l'urbex.

IMG_9485

 

Trois claquements sur le parking désert d’un village tout aussi désert, normal nous sommes en hiver. Nous sortons de l’Audi et longeons un bâtiment que je verrai bien en « maison publique » comme le préconisent les ministères. Je suis sorti de la capitale pour un territoire, en province. Province/territoire ? je ne veux froisser personne avec ces deux mots signifiant en langage parisien : au-delà du périphérique. Cà déplait mais cela tombe à propos car la déontologie des urbexeurs préconise le secret sur l’endroit. Donc c’est au-delà du périph’. Urbexeurs : personne qui pratique de l’urbex, Urbex : Urban exploration en anglais dans le texte, ce vocabulaire va m’attirer d’autres quolibets. Je l’assume, c’est un mot court qui en dit long.

 

Au bout de l’allée un grillage ferme le passage, passé cette limite c’est illégal !

- Passez par ici. Faites gaffe à ne pas marcher dans la peinture. GPS nous montre une tache gluante de peinture qui dégouline sur l’herbe rajoutant de la pollution dans un sol déjà lourdement chargé en déchets industriels. Si c’est la seule difficulté pour une violation de propriété privée alors on entre ici comme dans un moulin. Ce n’est pas un moulin mais une usine abandonnée. Trois copains, GPS, ABS et C-3PO, se font un trip urbex qui va les ramener 40 ans dans le passé. A 17 ans ils découvraient le monde du travail. Le poète local écrivit « On n’est pas sérieux, quand on a 17 ans ». 17 ans pour nous c’était l’usine. « Les tilleuls sentent bons dans les bons soirs de juin » Arthur ce n’était pas çà l’usine. Cependant une chose est certaine nous n’imaginions pas qu’un jour nous regretterions ces 17 ans.

 

  DSCF4271       IMG_9287

La voie ferrée surélevée nous positionne en hors visuel du village, sécurisation OK.  Les accès dans les bâtiments étant fracassées cela facilite l’affaire. Bat 10, la porte est fermée sur une main tenant un bock à tête de mort rempli d’un breuvage bleu pétillant, un élixir hallucinogène. « Break on through to the other side, yeah » chantait les Doors. Mise en garde ou invitation ? Avec cette porte vous accédez à un autre monde.

 Dans les seventies cet endroit vivait, animé par des centaines de salariés. Aujourd’hui vide et abandonnée chacun y verra ses propres fantômes. L’endroit semble visité par ses anciens ouvriers qui passèrent ici leurs meilleures années face à des machines bruyantes qui pouvaient mordre. Un jeune homme y laissa sa vie.  On en parle encore aujourd’hui. Ces visiteurs ne pratiquent pas l’urbex. Comme beaucoup d’orphelins d’usine ils hantent les lieux et refusent de comprendre pourquoi leur carrière – je hais ce mot – disparait ainsi. J’ai ma réponse mais je la garde car mes potes GPS et ABS peuvent ne pas être d’accord. Il se pourrait même qu’ils aient raison, nous avons eu des parcours différents depuis nos 17 ans, les arguments divergeront, je ne veux pas entamer une amitié sur un sujet qui peut devenir venimeux.  

 IMG_9418  IMG_9195

Eh ! Les prolos vous vouliez quoi ? Un musée ! J’en ai vu des usines déconstruites, c’est le terme dans notre époque post-industriel. Des grandes qui ont fabriqués l’histoire du monde ouvrier, Billancourt. Un musée on s’y ennuie devant du bazar sur des étagères accompagnés de textes barbants. Vous imaginez remplir un musée plus grand que le centre Pompidou dans un village de 1000 habitants sans gare de chemin de fer. Aujourd’hui votre usine en friche est bien mieux utilisée : c’est la plus grande galerie d’art sauvage de la région. Aussi vaste même Paris n’a pas ça. Des artistes de la 400 ml ont laissé sur les murs des illustrations répertoriées comme contemporaines. Des personnages et animaux menaçants surgissent d’un escalier ou d’un angle fermé alors que bien en vue des caricatures amusantes vous redonnent le sourire. Ce lapin sur sa tortue, Jean de La Fontaine l’aurait voulu dans une page de ses fables. Des dinosaures avec la casquette de super Mario : Bravo. Cela me rappelle Banksy, un gourou du genre, lorsqu’il accrocha dans la salle préhistorique du British Museum un dessin qui resta plusieurs jours avant que les experts s’aperçoivent que l’homme de Cro-Magnon n’utilisait pas encore avec un caddie de super marché pour chasser le mammouth. Banksy hisse cet art au niveau de Picasso. Ces sauvageons de la bombe secouent les esprits. Voir le lien sur Banksy à la fin de l'article

  

IMG_9479  IMG_9207

 L’usine c’est au passé décomposé. Ici la végétation n’est pas luxuriante, la nature prendra plus de temps mais finira pas l’emporter. Je suis passé dans ces bâtiments il y a 4 ans, depuis la végétation a envahi les lieux et commencé la destruction qui en dit long sur le caractère éphémère. Mettons-nous ceci dans le crâne : rien n’est éternel. Les mousses rampent, les lierres grimpent, les herbes fissurent les sols. Le vert s’approprie les surfaces horizontales et verticales. L’eau, pire ennemie du génie civil, participe activement à la décomposition. Les toits n’étant plus étanche les plafonds dégringolent encombrant les planchers de détritus.  

  - Et les copains, vous vous souvenez des odeurs d’huile brulées ?

Une usine, ce sont des odeurs et du boucan. Du boucan tout le temps. Les bécanes font un vacarme saccadé et synchronisé, la cadence bat la mesure, c’est le blues de la productivité mécanique. Dans ce tintamarre calibré un cliquetis hors gamme résonnera aussi fort qu’une fausse note dans le boléro de Ravel.

L’odeur n’est pas désagréable, pas encore le pourri ou les urines mais très sauvage, plus authentique que l’eau de toilette Dior du même nom. Les écoulements d’eau ont remplacé les bruits métalliques. Des craquements intrigants s’intercalent entre nos pas. Nous ne sommes pas seuls ! Effectivement mon pire ennemi m’attend à l’étage supérieur : Alien est à bord du Nostromo. Help Ripley ! Elle a quitté le vaisseau. Pas de panique Einstein et Rey la pilleuse d’épave (le réveil de la force) sont à bord. Une capsule SCAF est prête à l’étage inférieur pour l’évacuation. On se barre, on est très content. On est plus sérieux après 60 ans.

 

IMG_9139   IMG_9100

Je comprends le désarroi des gars et filles qui ont passé des années de camaraderie dans cette usine devant la longue agonie de leur usine. 5 générations de ma famille ont tissé ici leur vie, je n’ai pas honte de dire que……….bof, je m’en fous. Finalement.  

 Poignée de main à SCAF et à ses potes qui ont transformé une usine en caverne d’homo sapiens époque 2000 AP J-C.  Faudrait juste rajouter une buvette à la sortie.

 

 

LE GOUROU : 

 

 

D'autres balade Urbex : 

 

Tchernobyl, le chemin de l'école. - Sais-tu au moins ce que tu cherches Gringo?

Qui est le plus fort, l'homme ou la nature ? Evidemment la nature, elle reprend toujours ses droits. Prenons l'effet du temps sur nos constructions laissées à l'abandon. Les premières années l'envahissement du végétal est spectaculaire. Puis la dégradation ralentit selon les matériaux.

http://jenesuispasdici.canalblog.com

 

Japon, deux îles deux histoires. - Sais-tu au moins ce que tu cherches Gringo?

Le train " corail " s'immobilise à quelques mètres des butoirs de la gare de Nagasaki. C'est la première fois que j'arrive en bout de voies. Suis-je au terminal du pays ? Oui, et aussi de mon séjour.

http://jenesuispasdici.canalblog.com

 

Pierrepont, ce n'est pas mon usine. - Sais-tu au moins ce que tu cherches Gringo?

Les friches industrielles ne manquent pas en France, elles n'attirent pas les visiteurs. Les bons touristes, qui dépensent des centaines d'euros par jour préfèrent Chambord, le Mont Saint Michel ou les boutiques parisiennes. C'est vrai qu'un haut fourneau pourri à Hayange c'est moins vendeur. Si le politique peut les effacer du paysage il le fera rapidement.

http://jenesuispasdici.canalblog.com




 

Publicité
Publicité
Commentaires
Archives
Publicité
Publicité