Les rues : le musée de la Havane

25 mars 2017

Deux semaines à La Havane c’est peu, je n’ai pas eu le temps d’aller aux musées, ni celui de la révolution, ni la fabrica del Arte que plusieurs personnes m’avaient vivement conseillé. Alexandra tu me raconteras à Arras si je passe par là. Les deux seuls qui m’intéressaient étaient fermés, celui des voitures et des trains. Pour arriver à ce dernier j’ai dû marcher dans des quartiers peu reluisants, entre une centrale électrique et des bâtiments industriels abandonnés. J’explore en m’aventurant dans les zones hors plan du guide du routard. C’est bien de sortir du plan. J’y fais parfois de bonnes découvertes comme ce restaurant « Le Parisien ». Il faudrait que je partage, que j’envoie ces adresses au guide du routard, mais c’est hors plan, alors ?

Filet de poisson frit et un coca : 5€

Qu’est qui fait l’identité d’une ville ? La question est compliquée mais à La Havane la réponse est simple : la rue. Surtout celles de l’intérieur de la muraille construite au XVI siècle. Détruite depuis il en reste des morceaux autour du musée de la révolution, décidément le revoilà celui-ci. Toutes les richesses volées par les conquistadors transitaient par la Havane avant la dangereuse traversée vers l’Espagne. Alors forcément ces coffres remplis devenaient une cible pour les braqueurs de l’époque, les pirates. Pas qu’eux, les anglais s’emparèrent de L’île en 1762. Après un an ils l’échangèrent contre la Floride, la fièvre jaune les y obligea un peu.
Revenons aux temps présents. N’en déplaise à la révolution qui en parle peu, ce sont les espagnoles qui laissèrent la plus belle empreinte, quelle architecture ! Les rues sont uniformes, étroites et rectilignes, sur le plan c’est un damier bien ordonné, sur le terrain c’est un peu le désordre qui prime.

La Havane n’est pas matinale, les rideaux ne s’ouvrent pas avant 9h. Il faut commencer par balayer devant les portes, la ville n’est pas sale, seulement mal entretenue par manque de moyens. Les premiers à réveiller la rue sont les marchands ambulants qui poussent leur charrette. Ils annoncent la marchandise en criant pour couvrir le bruit des roulements à billes sur la chaussée cabossée. Puis viennent les vélos taxis obligés de se faire entendre pour être vu à cause de leurs pneus silencieux. Pour ce faire ils sont équipés d’une trompe à air comprimé qui envoie des décibels à percer un tympan. En une heure les rues se sont remplies de gens et de bruits. A part quelques avenues on ne peut pas dire que c’est agité. Forcément ici, et vous savez pourquoi, les activités sont réduites, nous ne sommes pas à la city de Londres.

10 heures, ouverture des musées, les touristes s’agglutinent autours des points indiqués sur le plan. Avant de commencer la visite de mon musée vivant, la rue, je salue le vieux marin qui tous les jours nourrit les chats de la place au coin de mon hôtel. Ce vieillard insignifiant a navigué sur beaucoup de mer, il a franchi plusieurs fois le canal de Panama, le voici maintenant avec ses oripeaux en train de donner les restes de son diner aux chats. Je lui serre la main, c’est tout. Dans quelques jours nous ne nous verrons plus jamais, ce sont des poignées de main qui comptent. Je me dirige vers la place Christo perpendiculairement à la marche des touristes de la rue Obispo, ce n’est pas de ma faute si je ne vais pas dans la même direction qu’eux, je suis mon plan. Le boucher vient d’ouvrir son étalage, son premier client à quatre pattes et porte des rayures. Au bord de la place trois hommes réparent une voiture, évidemment vous ne pensez pas qu’ils peuvent se payer un remorquage au garage.

Tous ce qui roule et marchent se partage la chaussée sans problème. Il y a souvent des chiens aux carrefours, ils contrôlent leurs portions de rue aussi surement qu’un agent de circulation, il leur manque seulement la casquette.

Les agents de circulation à 4 pattes Si, elle habite ici, la maison est debout

Dans la prochaine rue une dame monte un escalier attenant à une ruine. Elle habite les murs encore debout. Ou voulez-vous qu’elle aille ? Des gens vivent dans des maisons sans toits. Ils ont si peu de moyens qu’ils récupèrent dans les décombres les matériaux qui les aideront à consolider leurs baraques.
Toutes les villes du monde ont un point commun, le décor change d’une rue à l’autre. A l’angle de la rue Chacon je passe des taudis à des résidences aux façades frimeuses. Au bout on aperçoit les touristes qui sortent du musée de la révolution que je n’ai pas encore visité. Vais-je pouvoir sortir de Cuba sans le ticket d’entrée du musée de la révolution ? C’est un délit au pays de Fidel !

Me voici sur le Prado, leur 5eme avenue, où la classe élevée se montre. Oui, cela démarre les échelons de classe. Cette famille fête les 15 ans de leur princesse, la gamine est un peu gênée de se montrer ainsi, elle ne veut pas décevoir les parents qui ont économisé pour l’évènement. Ils sont heureux de le partager avec un parisien. Leur neveu est serveur au prestigieux hôtel Séville juste à coté, alors il me propose de les suivre là-bas pour continuer la séance de photo dans le hall très chic. Je décline gentiment.

féte15ans

Le soir est tombé, les gens ont transformé la rue en salon. Ils sont assis devant leurs maisons pour se connecter avec le voisinage. C’est mieux que skype. Pour les ragots il vaut mieux les échanger entre deux balcons. Le balcon et le pas de porte ont un rôle social déterminant ici. Sur les places les bancs sont occupés, ces jeunes filles en pleine conversation et ce vieux monsieur de 93 ans appuyé sur sa canne au regard si lointain se tournent le dos. Son histoire est derrière lui, quel futur pour elles ?

Il fait nuit, je vais voir qui se promènent devant l’ingletera. Un policier vient d’interpeller un revendeur de carte internet sans licence, embarqué. Ce jeune couple en habit de soirée me livre une dernière image des gens si différents qui font la même ville.