Que se passe t'il

1 décembre 2016

Train à l’approche. Je monte dans la voiture 6, départ 10:39 depuis Kobe. Je le trouve réellement moche ce train avec son museau d’ornithorynque. C’est le Shinkasen, TGV japonais. 1h30 après je suis à destination, la gare n’est pas au centre ville, je vais d’abord déjeuner, je verrais ensuite. Après quelques minutes de marche avec mon bagage je m’installe dans un restaurant. Vu le nombre de regard qui se braquent sur ma personne, c’est certain que peu d’occidentaux fréquentent le lieu. Ma voisine de table m’y tenant plus de curiosité à mon égard m’observe sans se cacher, alors avant qu’elle me le demande, je lui dis en souriant «French». Au Japon l’expression faciale est un moyen de communication. Les sentiments s’exhibent sur les facies aussi distinctement que leurs caractères, calligraphiques. Je lis mieux les visages. Le sien se transforme d’un coup en dessin manga «surprise étonnement », suivant du dessin « sourire ébahi ». Je lui fais un tel effet ! Elle se reprend rapidement et s’étonne de la présence d’un étranger ici. Je lui explique que je viens juste de la gare à coté. J’ai marché en zig-zag au hasard pour chercher un endroit et passer une heure assis au chaud. La meilleure méthode pour se perdre mais c’est ma façon de découvrir. Je laisse le hasard décider. Elle s’inquiète de l’emplacement de mon hôtel, je sors la réservation imprimé en Japonais. Plutôt que de m’expliquer le chemin, carrément elle va chercher sa voiture et m’y conduit.

Merci madame, j’économise la demi-heure qui aurait été perdue à demander mon chemin. Avant la nuit il me reste deux heures pour m’égarer dans ce quartier. Sur la carte, c’est simple. La ville est bâtie dans le delta d’un fleuve qui se sépare en cinq avant la mer du Japon. Au milieu une petite île, genre ile de la cité, avec un grand espace vert, est accessible par un pont en T. Une bizarrerie facilement reconnaissable sur un plan ou vue du ciel. Je suis au sol et j’ai une grosse tendance à perdre le nord, il me faut donc des repères visuels adapté à un piéton : l’evergreen hostel est dans la petite rue en face de la station Shell juste après un temple avec son cimetière.

hiro(38)

Pour rejoindre le centre ville, je dois franchir la branche du T qui amarre cette ile à la ville. Tout proche une rue commerçante, Hondori street, prépare Noël au pays du soleil levant. Beaucoup de gens se promènent et donne un petit air de nonchalance à ce pays si rigoureux. Les restaurants sont fréquentés. Pourtant souvent les japonais et japonaises achètent leur diner à emporter. On en trouve dans toutes les épiceries. Ils travaillent beaucoup, il reste peu de temps pour cuisiner, c’est devenue la normale. Mes colocataires à l’auberge pratiquent de même. Je préfère me mélanger avec les voisins dans le restaurant de la rue de l’hôtel. On y mange sur la plaque de cuissons des okonomiyakis préparés devant vous, c’est la spécialité du terroir. La serveuse éclate de rire chaque fois que je m’installe, je lui ai expliqué au premier repas de supprimer l’œuf à la fin de la cuisson, les fruits de mer suffisent. Alors tous les soirs elle me fait un signe qu’elle ne le mettra pas et cela la fait marrer.

L'ambiance à l'auberge. Pas d'oeuf, elle a compris

Tant que le soleil gagne la bataille du ciel, j’explore les rues de cette ville pleine de monde. Un musée mondialement connu existe, je passe devant deux fois par jour. S’il pleut peut-être ? Les rues m’apprennent bien plus, c’est complémentaire. Dans le parc, des retraités jouent comme dans toutes les villes du monde. Ici un jeu à damiers remplace la pétanque. La lumière tamisée de l’automne donne une touche chatoyante à la ville. Je pensais voir des peintres avec chevalet et palette dans ces jardins ou les arbres bien taillés seraient de bons modèles. Je n’ai pas vu un seul pinceau mais beaucoup d’appareil photo. Ce sont souvent des jeunes couples qui préparent le carton d’invitation de leur mariage. Des parterres de fleurs parfument de couleurs criardes cette architecture de béton. Parfois, les architectes ont mis de la fantaisie dans leurs projets. Les enseignes colorées se disputent les façades avec la végétation abondante du câblage citadin. Dans toutes les villes j’étudie les installations électriques, intéressant. Pourquoi ce bazar dans un pays en avance technologique ? C’est pour réparer plus facilement après les typhons ou tremblement de terre.

Un jour je ferai un guide spécial transformateur du monde

Je croise sur la voie piétonne deux travailleurs en tenue , genre «ghosbuster », leurs grandes enjambés décisives me font penser à des individus tournant le dos au passé pour mieux avancer vers le futur. Assis dans un parc un couple profite du soleil tout en restant connecté, avec le bureau ou des proches peut-être.

C’est une ville comme des milliers d’autres dans le monde, pleine de gens et de sourire.

Pourtant je le sais bien, je ne peux pas l’ignorer ici tellement il y a de monuments qui nous le rappelle. Je suis passé devant tous les jours. Je suis rentré un après-midi gris dans le mémorial de la paix. J’ai même rencontré quelques hibakushas, les survivants.

6 août 1945, 8h15. Après 6H30 de vol dans le B29 Enola Gay, le navigateur Theodore Van Kirk avertit le commandant Paul Tibbets qu’ils sont sur la destination. William Sterling Parsons arme little Boy, la première bombe A va être largué sur une ville. Thomas Ferebee a dans son viseur la cible : le pont en T. 47 secondes plus tard Hiroshima rentre dans l’histoire de l’humanité.

Des chiffres ? Non.

Vous connaissez la phrase « La mort d’un homme c’est une tragédie, la disparition de milliers de gens c’est la statistique » Staline.

Je me pose une question, valait-il mieux être en bas ou dans le ciel ? Tous l’équipage du B29 a disparu. Reposent-ils en paix ? Paul Tibbets qui a toujours affirmé ne jamais avoir eu de remords n’a pas voulu de pierre tombale.

Claude à toi, mais pourquoi as tu changer la date ?