Dniepr, un fleuve, une moto

12 août 2016

Le soir dans les auberges, après le Wifi, les discussions s’engagent entre voyageurs. Un touriste parlait du musée de la guerre, ici à Kiev c’est de l’artillerie lourde.

- Et Vous, qu’avez-vous visitez aujourd’hui ?

- J’ai été voir l’usine Dniepr.

Dniepr c’est le nom du fleuve, on le lit sur la carte, c’est aussi une marque de moto fabriquée ici. Moins de monde le savent, les regards étonnés me le disent. Ce type vient de Paris pour une usine délabrée en banlieue. C’est l’exception française ?

Ce n’est pas une visite recommandé par les guides, c'est quand même une page historique cohérente avec l’histoire du pays. Les russes ont fabriqués ici des motos pour les armées CCCP. Le musée ne parle pas de ceci ?

L’histoire commença en Bavière avant la guerre de 14 et se terminera en 2012 à Kiev. BMW, les grosses bagnoles qui friment sur les routes, fabriquait avant 1918 des moteurs d’avion. L’Allemagne perdant la première guerre un traité lui interdit de continuer dans l’aviation considéré comme une arme. Que faire ? Des motos !

Vous comprenez pourquoi j'évite ce genre de musée ?

En 1923 c’est la naissance du fameux le flat-twin. C’est quoi ? C’est dit dans le nom : 2 à plat, deux quoi ? Cylindres pardi. Ah vous n’êtes pas motard. Avec Hitler l’Allemagne se réarme. Cette BMW équipée d’un side-car devient un moyen de transport léger pour l’armée. Increvable la machine. On la voit dans tous les films ou il y a des nazis, d’Indiana Jones à la grande vadrouille. Ce qui reste dans la mémoire populaire n’est toujours ce qui authentifié dans les livres mais les récits transmis par ceux qui ont vu. Ce flat-twin a contribué à la réputation du made in Germany. Mon copain Hervé, pas n'importe qui en mécanique, veut rouler tranquille, il passe BMW après plus de quarante ans de moto.

L’usine figure ne figure pas dans les guides, je l’ai trouvé sur internet. J’ai noté l’adresse en cyrillique sur mon carnet, les passagers du trolley 16 me rassurent, je suis dans le bon transport. Ils s’étonnent de voir un étranger se déplacer à cette usine. C’est là, je descends dans une banlieue pas jolie mais pas hostile.

Fin des années 30, L’URSS consciente de son retard en matière d’armement se met à fabriquer une copie de l’incassable BMW. Ils l’appellent Oural, les premières sont fabriquées à Moscou. Staline se méfie de son allié, il déménage l’usine à l’abri à Irbit, Sibérie. Selon la version officielle les espions russes auraient réussi à avoir 5 BMW et les auraient entièrement démontées pour la reproduire. La vérité est moins glorieuse. Nous savons depuis que lors du Pacte Molotov/Ribbentrop en 1939 les russes et les allemands ont fait un échange : Du blé contre de la technologie. Pas le pognon mais la céréale. Avec le face à face URSS-USA, l’obsession était l’armement, la production russe était incapable de fournir les armées. Alors ils montent une usine à Kiev, KMZ : Kievskii Mototsikletnyi Zavod, à partir de 1946 les premières BMW façon Dniepr sont livrées aux militaires.

Ils m’ont bien expliqué avant de me laisser ici en face du cimetière que j’avais remarqué sur la carte. Je dois contourner tous ces grands bâtiments en délabrement et me rendre l’autre coté. C’est grand une usine, encore plus lorsqu’elle est morte. Ces façades rouillées aux vitres brisées me rappelle l’usine de Pierrepont en Meurthe et Moselle, même chose, terminé tout le monde dehors.

En France, après la retraite de l’occupant il restait une grosse quantité de pièces détachées BMW. Une entreprise est constituée et remontent des motos avec le sigle CEMEC sur le réservoir. Cemec devient Ratier qui fournira les services officiels de l’état. Avec la réconciliation France Allemagne la gendarmerie préfère l’originale et passe commande directement à BMW, en 1962 c’en est finie de la moto Ratier. Il y en restait beaucoup dans les domaines, les gars de ma génération en achetèrent pour rouler pas cher dans les années 70. Mon copain Jean Marc en possède une en Lorraine. Ou ? Secret militaire.

Je marche plus d’un kilomètre avant de voir enfin une moto Dniepr suspendue devant ce qui devait être l’entrée du personnel administratif, cadres, ingénieur, secrétaire. Je distingue bien les entrées des ouvriers avec celle des blouses blanches, je sais de quoi je parle. Avant, je suis passé devant les grandes portes métalliques des classes laborieuses, ces mains sales franchissaient le portail, fières d’une journée de travail offerte à la mère patrie.

Dans les années 70, KMZ produisit pour la population. Après la séparation d’avec la grande Russie, la moto se détacha du side-car et continua sa route en solo. Pas pour longtemps, en 2012 on ferme les portes. L’histoire est officiellement finie.

Ouf, un petit escalier et enfin je rentre dans ce qu’ils appellent le magasin. Les derniers salariés vendent des pièces de rechange, des vélos, des side-cars et quelques accessoires motards de qualité médiocre. J’ai vu sur une étagère un petit moteur et les adaptations pour bicyclettes. Je m’étais interrogé à la vue d’un vélo ainsi équipé rue Andriyskyy qui grimpe fort vers l’église du même nom imprononçable. En face du magasin trois revendeurs essayent de liquider des pièces mécaniques sorties de l’usine avant liquidation peut-être. On appelle ceci dans le jardon ouvrier de la perruque. Je me dirige vers eux, on ne sait jamais ils auront peut-être une Dniepr à me montrer. Le grand parle allemand, le fort polonais, les trois russes. Nous sommes bien avancés. Ils me tendent une boite avec des pignons, une couronne de différentiel, un carburateur et d’autres bricoles. Ce n’est pas avec ces 5 kilos de ferraille qu’ils vont s’enrichir. Je veux voir une Dniepr complète. Je grimpe dans le Mercédès avec eux, quelques feux rouges plus tard nous pénétrons dans une zone populaire, le camion s’arrête dans un terrain, une cabane sert de garage. Dans un coin coincé entre un grillage et une Lada je devine la silhouette sous sa bâche : Dniepr 1979 avec son panier. Elle est complète, pas rouillée, 288 km au compteur, le moteur n’est pas bloqué. 800 US et je pars avec, c’est tentant. Hervé, Jean-Marc vous avez 1500 km pour ma vieille pétoire alors.......

Motocycles

The motorcycle has legal documents Our company can send the motorcycle to any country:- to Europe - land transport at any time- to USA - the container on the vessel.Specify date of shipment of motorcycles to USA and port of delivery...

http://dnepr-kiev.com

Ils ont parcouru le mois dernier 1600 km pour ma une vieille pétoire achetée à un motard qui roulait BMW et voulait une Dniepr !

Vous n'avez pas vu toute l'usine :