Budapest ou Metz ?

28 juillet 2016

Le Danube, une grande ligne bleue sur la page Europe dans les atlas, 10 pays traversés dont 4 capitales, même s’il ne passe pas par l’hexagone il s’impose dans la géographie, l’histoire et la culture européenne. La nature ouvre ce robinet en forêt noire, puis le filet d’eau grossit et s’écoule sur 2800 km et remplit la baignoire « black sea ». A son tour elle déborde dans la méditerranée par le goulot du Bosphore, ensuite c’est le principe des vases communicants. C’est pareil avec le petit ruisseau qui passe dans votre village et qui finira dans un océan. Amusant, de savoir que ce fleuve auquel inconsciemment nous affectons la couleur bleu à cause d’une valse célèbre nait et meurt dans du noir. Jules Verne écrivit un roman d’aventure, peu connu, le beau Danube jaune justement pour démentir Johan Strauss. Vous souvenez vous de ces romans de gare avec une fille dénuée en couverture, un autre genre littéraire, un SAS titre : le beau Danube rouge. Peut-être change t’il de couleur après Vienne ? En 1956, une année olympique, les chars russes balaient une insurrection à Budapest avec les chars, trop de morts. Le monde apprend la méthode Khrouchtchev et laisse faire. 1989, bye bye L’URSS, la petite Hongrie se séparent de la grande Russie. A Budapest ou je viens de passer quelques jours le Danube n’était ni noir, ni bleu, encore moins rouge mais plutôt jaune et parfois gris selon l’ensoleillement. Cette couleur terne enlève peu à sa majesté le deuxième fleuve d’Europe, le premier étant la Volga mais elle ne mouille que la Russie, alors considérons si vous le voulez bien le fleuve de Strauss comme le numéro un. C’est ici que le cours d’eau se plie à 90^e degré en heurtant une colline et coupe la Hongrie dans un axe nord sud. En juillet à Budapest nous avons eu aussi froid qu’un automne en Lorraine.

Un temps de toussaint en Lorraine, 18 degrés La croix de Lorraine sur les frontos d'églises.

Arrivé une journée avant mon épouse j’ai eu le temps de la prévenir d’enfiler une veste. Oui, je ne suis cru à Metz à la toussaint ! En plus, ici, la croix de Lorraine est visible sur les églises et elle figure sur le blason du royaume de Hongrie selon le vocabulaire très codés de l’héraldique « croix patriarcale». Il existe bien une histoire commune entre la Lorraine et la Hongrie, ces deux régions distantes de plus de 1000 km portent la même croix. Je ne vais pas m’aventurer dans les traverses de l’histoire au sujet de ce bout de bois. Ce feuilleton aurait commencée avec un mariage en 1270 entre Charles II d’Anjou et Marie de Hongrie. Un autre épisode, la victoire en 1686 de Charles V de Lorraine qui mit fin au face à face entre la sainte ligue catholique et l’empire ottoman musulman en remportant le siège de Buda. Aujourd’hui encore les familles princières Habsbourg-Autriche et Hongroise sont étroitement liées, si vous êtes amateurs de potins royaux adressez-vous à Stéphane Bern, moi je m’en fous. Je préfère visiter le Budapest d’aujourd’hui avec ses façades art nouveau école de Nancy, encore l’influence Lorraine !

C’est flagrant si on se promène au bord du Danube, on observe bien l’esprit rive droite et gauche, un air connu dans les capitales édifiées au bord d’un gros cours d’eau. Rive droite, la colline Buda avec son château sur un promontoire, c’est le pouvoir administratif. Au pied du rocher le très vintage hôtel Gellert construit en 1912, époque ou l’orient express promenaient les fortunes et aristocrates mondains le long du Danube vers l’orient. Dans les couloirs étroits du train en robe du soir, la Madone des wagons-lits frôlait les gentlemans célibataires qu’elle avait repérés avant le voyage. Elle séduisait ces gros portes-feuilles. Peut-être descendait-elle au Gellert pour profiter des plus rococos bains d’Europe. Dans le grand hall animé de ce palace je ferme les yeux et j’entends la rengaine de Strauss. A quelle princesse vais-je offrir cette valse du beau Danube bleu ? Réveilles-toi Gérald tu risques de lui écraser les pieds tu n’as jamais rien compris à la danse.

De l’autre coté du fleuve j’ai profité d’une journée de soleil pour patauger dans l’eau à 37 degrés des bains Széchenyi, les plus grands de la ville. Rive gauche c’est la plaine Pest, la partie la plus animée de la ville. Le premier pont permanent reliant Buda à Pest fût le pont aux chaines, terminé en 1849, les rives réunies, on colla les noms Budapest, pourquoi faire compliquer.

Après une visite au musée des vieux trains dont j’éviterais d’encombrer ce récit avec des ferrailles puants l’huile je me suis promené à la sortie de la gare de l’ouest construite en partie par Eiffel. Le nez en l’air à la recherche d’un restaurant je suis tombé, excusez du peu, nez à nez avec l’inspecteur Colombo au coin de la rue Falk, son nom de citoyen américain. Son ancêtre Miksa Falk naquit ici, cela a suffit pour lui ériger un bronze en 2014. Est-ce que la ville manquerait de célébrités pour combler ses rues ? Non, les portraits joncent la ville, tous ces héros sont autant de pages d’histoire qui nous instruisent mais n’est-ce pas un héritage communiste du culte des héros ? Je trouve qu’il y en a beaucoup, c’est nationaliste, une tendance qui s’observe dans la rue. Une traban à l’apparence non restaurée stationne entre des grosses berlines allemandes, je pense plutôt à un amateur de mécanique qu’un nostalgique de la période rouge. Avec le retour du soleil sont enfin apparues les couleurs de Budapest, le Danube reste jaune mais le ciel enfin bleu. Les terrasses de bar se remplissent, une fanfare envoie ses décibels, ce n’est pas une valse. Les promeneurs passent d’une rive à l’autre sur le pont métallique fermé à la circulation automobile, je retiendrai ce dernier dimanche ensoleillé au bord du beau Danube bleu.