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Le Blog d'images54620
14 octobre 2015

Sedan : un capitaine, un poète. Un trésor ?

 

 


sedanrimbaud (2)

Pourquoi je me retrouve ici, à Iges au milieu de 200 hectares de prairie dans les Ardennes ? Le ciel est bleu, intense, la plaine verte, luisante, je suis dans le pays de Rimbaud :

C'est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.

J’ai en plus des vaches qui observent le bipède, moi, dans leur salle à manger.

 sedanvaches (1)

 

Le pays du poète 

 Nature berce le chaudement, il a froid.

Ce matin il a fallu gratter la glace sur le pare-brise. L’hiver sera précoce, Hervé C le paysan que j’ai rencontré l’a vu dans le ciel : les oies sauvages commencent leurs migrations.  Si je suis ici, 30 septembre 2015, avec un détecteur de métaux, ce n’est pas à la recherche du poète aux semelles de vents mais d’un militaire prit aux fers : le capitaine Georges Louis Guinot, il a  25 ans en septembre 1870, le poète 16. Ces deux destins différents se sont croisés,  ils n’avaient qu’une hâte : fuir. 1er septembre 1870 : Défaite de Napoléon III. Encerclé dans Sedan, afin d’épargner de nombreuses vies, plus sympa que son illustre oncle, il fait hisser le drapeau blanc et se rend avec son armée. S’il n’en n’était du sort de milliers de personnes les causes de cette raclée que Bismarck  infligea à l’armée française feraient rire tellement elles furent incroyablement nulles. Les prussiens entassèrent 83 000 prisonniers et 4000 chevaux à Iges, une presqu’île entourée par une boucle de la Meuse. Ces soldats vécurent dans la boue pendant deux semaines dans des conditions atroces, entourés d’eau et de sentinelles ennemies faisant feu à la moindre occasion, la haine entre les deux armées était supérieure à la fraternité des peuples. Des milliers d’hommes moururent, la Meuse charria des cadavres pendant des jours. Les chevaux devinrent fous, des hommes perdirent la raison, le capitaine Guinot réussira à s’évader.

 

 gravure001    gravure003    lonlay le dickpage936

 

Quelques gravures d'époque de ma collection.  

 Aujourd’hui Iges est un beau village avec des rues bordées de maisons restaurées coquettement. Quelques familles vivent ici depuis plusieurs générations. Tous les habitants connaissent cet épisode historique de leur village : le camp de la misère, c’est écrit sur l’arrêt bus. Il apparait peu dans nos livres d’histoire, déjà que l’on zappe sur Napoléon III. 

sedanmaison (7)                            sedanmaison (5)

 

L'arrêt bus à Iges : les prisoonniers ne sont partis en bus               Une maison de maître

 C’est un manuscrit du capitaine Guinot qui me l‘apprit. C’est donc de sa faute si je suis dans ce trou de verdure avec un détecteur de métaux à l’écoute d’un bon son qui me signalera une belle pièce enfouie. J’aime déterrer l’histoire.  

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 Je suis arrivé à Charleville en train, Roberto, un ardennais rencontré à Guatemala m’attendait, avec son pote Rémi j’avais les accointances suffisantes avec la mairie, le personnel me renseigna sur les propriétaires des terrains. Puis les familles Cornet m’autorisèrent à fouiller. Les gens sont accueillants ici, tous des poètes. Je ne vais pas dire « ah, les braves gens » cela serait moqueur. Il existe un monument dit « aux braves gens» à quelques kilomètres. Le souverain prussien Guillaume s’exprima ainsi en observant à la jumelle les charges mortelles des chasseurs d’Afrique massacrés par son artillerie. Le comportement des hommes à la guerre m’étonnera toujours.

Tranquille, il a deux trous au côté droit. 1870, 1914 on prend les mêmes et on recommence, puis jamais deux sans trois mène à 1940. Une personne née en 1860 dans les Ardennes aura vécu trois guerres, et ils y en a encore qui ne croient pas à l’Europe.  

Hervé C m’a conduit sur un près, juste après des hommes en arme arrivèrent, l’ouverture de la chasse aux grands gibiers commence le 01 octobre.  Je discute avec ces bons chasseurs, ils me préviennent « aucun danger » de me confondre avec un sanglier, quand même ! Par prudence je m’éloigne de la zone de tir. Les vaches qui m’encerclent, sont-elles bavaroises ?  Ces hamburgers sur pattes portent un matricule à l’oreille, la traçabilité qui les suivra jusqu’à l’assiette du carnivore. Jean Marie C, éleveur, m’explique qu’elles viennent voir si je n’aurais pas un bout de pain pour elles.  Il élève des broutards, des veaux nourris uniquement du lait de la mère et de pâturage.

 

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 Le trésor est-il juste sous la panse du taureau ? Je n'ai pas osé lui demander de bouger, 1000 kg de viande rouge.....  

J’approfondis mes connaissances sur le métier de paysan, les explications de  Jean Marie au milieu de ces bêtes c’est un autre cadre de Pujadas à l’écran, j’écoute attentivement.  Des trous j’en creuse,  je ramasse toutes les ferrailles dans la terre depuis des lustres, clous, boucles, harnais, papier alu et capsules, le quotidien du fouilleur. Je ne rejette pas ces détritus dans l’herbe, en broutant les animaux les ingurgitent et se perforent l’estomac. Je connais l’agonie des animaux marins à cause des sacs plastiques, mais pas celles des vaches à la panse crevée par des métaux. Lorsque Hervé C m’expliqua qu’il fallait introduire un aimant dans la panse de la vache afin d’éviter la perforation  j’ai cru qu’il se moquait de mon profil parisien. NON, c’est vrai !

Première et unique monnaie trouvée, 5 centimes Napoléon III tête nue, aucune valeur marchande mais peut-être est-elle tombée de la poche du capitaine Guinot. Rien n’interdit de le penser.

Nous sommes prêts et archiprêts. La guerre dût-elle durer deux ans, il ne manquerait pas un bouton de guêtre à nos soldats » affirmait  le maréchal Lebeouf. Avec Jacques venu me rejoindre nous n’en n’avons pas trouvé un seul. Mais tout ça c’est de la broutille, à chaque fois que vous sortez avec un détecteur, il y aura un moqueur «alors, ce trésor ?». Ici on en parle : le solde des bataillons.  J’ai lu le témoignage d’un colonel, son cheval a été abattu par l’artillerie allemande, il sauve sa peau en courant et oublie 4000 francs or sur le terrain. La rumeur dit qu’une famille du village se serait curieusement enrichie après 1870 en achetant plusieurs fermages dans les parages.

J’ai eu mon trésor : une semaine de rencontre et découverte, j’y retourne l’année prochaine, je réserverais au dormeur du val. 

Allez voir dans l'album SEDAN comme les Ardennes sont jolis. 

 

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