Je suis bien sur la route
Je suis bien sur la route. Une journée complète dans un bus, je ne m’ennuie pas. Mon esprit s’échappe, traverse la vitre et rebondit sans aucun contrôle intelligent de ma part sur les formes et couleurs que m’offre le défilement du paysage. Alors se déclenchent dans ma tête des songes et des réflexions, tous ceci s’agitent sans discipline, n’importe comment. J’aime les esprits vagabonds, un peu « bateau ivre », sans prétention cher Rimbaud. Une route rectiligne ne fera pas naitre les mêmes rêves qu’un parcours sinueux.
Une accroche visuelle particulière peut en une fraction de seconde détourner la pensée active et en superposer une nouvelle en relation avec ce qui vient de se passer sous mes yeux. Un copier-coller de mon subconscient imposé par la route. Ils votent souvent en Amérique centrale, les slogans restent de longs mois après le suffrage au bord des routes. Ainsi la propagande électorale de Daniel Ortega m’a fait penser de demander des nouvelles à Daniel, un copain.
Traversée l’Amérique centrale en bus c’est faire des zigzags entre les volcans et contourner les poids lourds au bord de la route. Les volcans sont nombreux, il existe une liste dans wilkipédia, les camions et bus n’étant pas répertoriés je ne peux pas vérifier s’il y a plus de volcans que de véhicules en rade. Ce genre de statistique n’apporte rien de scientifique à moins d’élaborer une relation de causes à effet entre les deux. Cela m’occupe d’y réfléchir pendant ces heures de route. D’ailleurs je ne pense jamais que le bus qui me trimballe pourrait basculer à son tour et descendre dans le ravin en ne laissant que peu de survivants dans sa carcasse. Je touche du bois et m’en remets à St Christophe, encore faut-il y croire. Tous les chauffeurs locaux ont pris la précaution de garnir leur poste de conduite avec des talismans catholiques censés les protéger, la vierge de la Guadalupe règne du rétroviseur au levier de vitesse. Les conducteurs font le signe de croix à chacun des passages devant une église, c’est rassurant pour les croyants.
Parti en fumée le camion
Dans mon imagination, je dois reprendre de temps en temps le contrôle de mon cerveau, je compare ces volcans à des cornets de glace tombés par terre la pointe vers le ciel. Selon l’hauteur de la chute le cône est plus ou moins écrasé vers le sol. Paf, celui là vient de haut, il est trapu le cornet est ramassé sur sa base. Celui-ci dont la pointe dépasse nettement le reste du relief est moins écrasé, il est donc tombé de moins haut. Au-dessus d’eux des nuages bien blancs dans un ciel tout bleu me font penser à des bulles de dialogues d’une bande dessinée. Que pourrait bien dire un volcan ?
« Attention, je gargouille, je dois évacuer, je vais faire mon rot »
« Le volcan du petit prince avait de la chance, il était souvent ramoné lui »
Je vous le répète, je suis bien sur la route, en songe je croise le bateau ivre d’Arthur Rimbaud et le petit prince de St-Ex’, n’est-ce pas merveilleux ?
Les sommets se hissent en moyenne entre 1500 et 2500m d’altitude. Peu se permettent de grimper plus haut, si on aperçoit un col blanc enrobant le cratère, de la neige sous ces latitudes alors ces géants dépassent les 4000m. Explication, le plancher sur lequel ils reposent est élevé, il faut additionner l’altitude de la base à celle du cône 2400 + 3000 = 5400 mètres, cohérant comme raisonnement : le Popo à Mexico. Deux couleurs dominent en fonction de la dernière irruption, vert, gris ou les deux. Le « Fuego » au Guatemala a fait son rot début février, ces cendres projetées sur la route des avions ont obligé à la fermeture de l’aéroport. Les avions n’aiment pas l’haleine des volcans. C’est marrant, maintenant on apprend qu’un cratère fume par l’aviation civile, le record reste à l’Europe, à cause d’un seul petit cratère. L’Eyjafjöll en Islande bloqua les routes aériennes pendant plusieurs jours. On ne parlait que de cela dans les capitales européennes. Les pilotes tenant le manche de leur d’aéroplane devraient demander des conseils aux conducteurs cramponnés au volant afin d’apprendre à slalomer en trois dimensions entre les volcans. Ont-ils eux aussi accrochés une vierge de la Guadalupe parmi les instruments de vol ?
La frontière Mexique Guatemala le matin
La route c’est aussi des frontières et à part le Mexique ces pays sont ne sont pas bien grands. Ces petites républiques n’ont pas toujours de bonne relation entres elles, donc leurs frontières ne sont pas ouvertes. Nous ne sommes pas en Europe, il y a de vrais barrières et une distance significative entre la sortie du pays 1 et l’entrée du 2. Le sort du voyageur d’une nationalité hors zone Amérique centrale dépendra du zèle du douanier. Merci le progrès, la puce insérée dans le passeport permet de transférer rapidement toutes les informations dans la base de données du pays qui vous accueillent amicalement. Le douanier tamponne, la route continue, ne pas négliger l’amabilité « gracias sénior » accompagné d’un sourire.
Je suis bien sur la route